« Notre cahier des charges est confidentiel », considère Fleury Michon (et ce n’est pas la seule des grandes marques à penser ainsi). Mais si le prétendu « bien-être » des porcs, sur l’écran publicitaire, était du welfarewashing, ou, pour le dire en français, du BIEN-ÊTRE DE FAÇADE ?
« J’aime », dit la pub de Fleury Michon
Imaginez que vous vous mettiez à considérer que, jusqu’alors, vous ne saviez trop ce que vous feriez. C’était tellement, mais tellement difficile de choisir… Puis, hop! il est arrivé. Il ne vous a point dit de l’aimer, non non. Sur son front était écrit: «J’❤», tout simplement. Ce j’aime, vous l’avez lu, et ce faisant vous vous êtes dit: «J’aime!» tilt! tout s’est éclairé! Vous l’avez choisi, enfin! vous avez commencé à vivre, pleinement! Puis «Blabla… tu sais quoi?» vous empressâtes-vous de narrer aux amis, «j’aime, J’AIME!» Et ceux-ci, un tant soit peu superficiels, répondirent unanimement: «On est vraiment très, très heureux pour toi! Nos plus sincères félicitations!» C’est-à-dire que vous aurez craqué pour un emballage, et aurez commencé à vivre avec l’emballé. Seulement, qu’était-ce que l’emballé?
Venez vérifier, derrière l’écran publicitaire
«Venez vérifier», propose Fleury Michon, «la filière charcuterie J’aime, de l’élevage des porcs jusqu’à l’élaboration du jambon». [1] Ne vous méprenez pas, toutefois. Est-ce que, dans le langage de Fleury Michon, «venez vérifier» signifie: venez regarder ce qu’il y a derrière notre écran publicitaire?
Vérifier (au sens de «s’assurer si une chose est telle qu’elle doit être» [2]), c’est ce que j’ai essayé… Voyons ensemble. Sur les images, ci-dessous, les porcs dont la queue est visible l’ont raccourcie. Étrangement. Puisqu’une NORME MINIMALE pour la protection des porcs — ce n’est pas la publicité de Feury Michon qui nous l’apprend, mais la loi — impose clairement que «la section partielle de la queue et la réduction des coins ne peuvent être réalisées sur une base de routine, mais uniquement lorsqu’il existe des preuves que des blessures causées aux mamelles des truies ou aux oreilles ou aux queues d’autres porcs ont eu lieu. Avant d’exécuter ces procédures, d’autres mesures doivent être prises afin de prévenir la caudophagie et d’autres vices, en tenant compte du milieu de vie et des taux de charge. Pour cette raison, les conditions d’ambiance ou les systèmes de conduite des élevages doivent être modifiés s’ils ne sont pas appropriés». [3]
Pour vérifier la raison de cet étrange raccourcissement des queues, et aussi parce que Fleury Michon proposait également d’échanger, je lui demandai donc, via Facebook et Twitter, le 25 juin 2016, ce que faisait Fleury Michon pour le respect des NORMES MINIMALES pour la protection des porcs, interdisant la section partielle de la queue sur une base de routine, photos de l’étrangeté à l’appui, issues de son propre site web publicitaire, sur lequel Fleury Michon nous demandait de vérifier.
La réponse la plus précise que j’aie obtenue, le 30 juin, quant à la caudectomie, est celle-ci: «Suppression des pratiques ne contribuant pas au bien-être», à savoir, entre parenthèses, la caudectomie et l’émoussage des dents. Mais un tweet précédent, ce 30 juin, donnait à comprendre que ces pratiques n’étaient pas révolues; qu’elles le seraient d’ici à 4 ans. [4] Toujours étrange, n’est-ce pas? Puisque les NORMES MINIMALES sont censées être respectées, non d’ici à 4 ans, mais depuis longtemps. [3] Alors, je demandai à Fleury Michon, le 13 juillet via Facebook (image ci-contre) et Twitter, combien d’exploitations porcines de sa filière «J’aime», sur combien au total, respectaient l’interdiction de la section partielle de la queue sur une base de routine; question qui demeure, en ce jour de septembre où je rédige cet article, sans la moindre réponse. Et pour cause?
« Notre cahier des charges est confidentiel »
À la demande, le 7 juin via Twitter, du cahier des charges de sa filière «J’aime», Fleury Michon avait répondu au Collectif PLEIN AIR, le 30 juin, que ce cahier des charges était «confidentiel». Ah bon!?
Ainsi, Fleury Michon incite le public à venir vérifier sa filière «J’aime», mais refuse de communiquer son cahier des charges: tout un chacun est donc cantonné devant l’écran publicitaire interposé entre lui et la réalité de «l’élevage des porcs» et, dès lors, ne peut strictement rien vérifier. Il peut certes croire, ou non, en la véracité de l’écran de Fleury Michon.
Néanmoins Fleury Michon avait affirmé, le 30 juin via Twitter, rester «à dispo pour échanger»; puis de nouveau le 13 juillet via Facebook.
J’insistai donc pour vérifier réellement ce qu’est «l’élevage des porcs» au sein de la filière «J’aime». Je posai les trois questions suivantes, fort simples, et d’autant plus simplissimes à comprendre que le «bien-être animal» était réputé être «au cœur» des actions de Fleury Michon. Évidemment, lorsqu’on est attaché à un réel «bien-être», l’on sait à quel point lui est contraire l’irrespect des NORMES MINIMALES pour la protection des porcs.
- Combien de truies sur combien au total, la filière «J’aime» de Fleury Michon ne détient jamais de leur vie en cage?
- Combien de porcs sur combien au total à l’engrais, cette même filière a-t-elle sur paille?
- Combien de porcs sur combien au total à l’engrais, cette filière a-t-elle sur caillebotis intégral?
Figurez-vous que, pour commencer à vérifier, j’attends toujours la réponse… Quel dommage! J’eusse volontiers accepté de vérifier que «le bien-être animal» était «au cœur» des «actions» de Fleury Michon! [5] J’eusse tant aimé — la possibilité du bien-être impliquant, ce qui serait le minimum au sens du bien-être, cet «état du corps ou de l’esprit dans lequel on sent qu’on est bien» [6] — que les truies ne fussent sélectionnées pour produire toujours plus et bloquées, périodiquement, chacune dans une cage, et qu’on ne leur demandât à toutes, exploitées telles une bande de machines synchronisées, de produire, «déclenchées» pour mettre bas, à peu près en même temps; que les porcelets ne fussent sevrés si tôt, dès trois ou quatre semaines (ce qui, du reste, eût permis de réduire notablement l’usage d’antibiotiques, dont certains considérés comme «critiques»); que la plupart des porcs ne fussent casés petitement, sur un caillebotis inconfortable, au-dessus de leurs excréments; et cætera. J’eusse tellement apprécié l’absence de conditions propices au mal-être! À moins que ce ne fût possible au sein de «la filière charcuterie J’aime» de Fleury Michon? Que le prétendu “bien-être”, sur l’écran publicitaire, fût du welfarewashing ou, pour le dire en français, du BIEN-ÊTRE-DE-FAÇADE ?
Références
[1] http://manger-mieux.fleurymichon.fr/jambon-sans-ogm
[2] Le Nouveau Littré.
[3] Annexe I, chapitre I, point 8, interdisant la section routinière de la queue des porcs, de la directive 2008/120/CE du Conseil du 18 décembre 2008, établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs (version codifiée). Cette interdiction, ainsi que l’obligation que les porcs aient «un accès permanent à une quantité suffisante de matériaux permettant des activités de recherche et de manipulation suffisantes», étaient déjà faites par la directive 2001/93/CE de la Commission du 9 novembre 2001, dont la date limite de transposition en droit national était le 1er janvier 2003.
[4] Ce que confirmait la réponse de Fleury Michon, via Facebook, le 13 juillet, Fleury Michon affirmant la «suppression de la caudectomie et de l’émoussage des dents» comme l’un de ses «engagements pour 2020».
[5] https://twitter.com/FleuryMichon/status/748516459173810176
[6] Le Nouveau Littré.