Retour à Vie des associations

Porcherie de Saint-Symphorien : l’opposition s’impose

En 2016 la décision tant attendue est tombée : le Préfet n’a finalement pas autorisé l’agrandissement, mais il a régularisé l’existant. Cet élevage concentrationnaire atteint l’image du jambon de Bayonne et du porc du Sud-Ouest. Mais que fait la DDPP ?

St Symphorien manif

Une mobilisation exceptionnelle

Le dossier de la porcherie de Saint-Symphorien est suivi par la SEPANSO Gironde, et plus particulièrement par une de ses associations membres, LEA (Landes Environnement Attitude)[1]. Pour rappel, rarement à notre connaissance une porcherie a réuni autant d’oppositions (voir le rapport au Coderst[2]) de la part des acteurs de l’eau et du territoire ! Les cours d’eau et les eaux souterraines sont vulnérables, sous un terrain sableux, et notoirement pollués, et ceci dans un contexte de Parc Naturel Régional. Le Député Gilles Savary, le Conseil départemental, le Conseil régional, étaient tous opposés au projet.

L’engagement de la Confédération paysanne a beaucoup aidé pour une mobilisation large, et de même internet, en particulier le réseau d’Agir pour l’Environnement.  La Conf’ a aussi su convaincre avec un autre modèle d’élevage : le porc basque et son cahier des charges, qui ne s’est pas laissé séduire par la production de masse.

En 2016, deux évènements ont pleinement réussi : une manifestation sur place, et un rassemblement devant la Préfecture.

La décision du Préfet : pas d’augmentation « en dépit des intérêts »  du projet !

Mais comment se fait-il que l’Etat ait eu tellement envie d’autoriser cette porcherie alors que tant d’arguments plaidaient contre ? C’est la question que les associations se posent.  L’Etat, dans son communiqué de presse du 20 juin 2016, a finalement tenu compte des « oppositions multiples et réitérées au projet », ceci « en dépit des intérêts que celui-ci présente ».  Mais quels « intérêts » et pour qui ? Aussi, l’Etat constate que l’étude hydrogéologique complémentaire n’a pas fait changer d’avis les commissions locales de l’eau. Ce sont donc elles qui portent le chapeau. Est-ce que l’Etat rechigne  à froisser les porcheries industrielles ? D’ailleurs, il y a une leçon à en tirer : une étude de plus ne change pas la nature d’une monstruosité évidente.

L’année 2016 a en effet été l’année de la décision, tant attendue, du Préfet : il n’a finalement pas autorisé l’augmentation du nombre d’animaux, prévue de 7655 à 11626 animaux-équivalents. L’exploitation a cependant obtenu son autorisation d’exploiter, mais sans augmenter le nombre d’animaux-équivalents ; il s’agirait d’une régularisation par rapport à des non conformités antérieures. Par contre le projet a été modifié, il compte désormais davantage de truies (828 au lieu de 664), et en compensation, le nombre de porcs charcutiers (en engraissement) diminue d’environ 500, passant à 4478 places.

Des questions. Un rapport au CODERST cachotier.

L’exploitation privilégie donc le naissage, et 45 % des porcelets seraient engraissés ailleurs. Mais où ? Loin ? Près ? Il y a donc bel et bien augmentation de la production de porcs. Mais le/s lieu/x de l’engraissement et le « saucissonnage » des impacts restent opaques.

Les associations locales se posent des questions. Est-ce que le nombre d’animaux présents correspond réellement à ce qui est annoncé ?

Le rapport au CODERST, signé le 26 août 2016, intrigue. Les porcelets non engraissés sur place, partiraient de la porcherie en fin de post-sevrage (à 28 kg). Or, pourquoi le nombre de places en post-sevrage reste de 2944, alors que le nombre de truies augmente ? Il appartient à la DDPP de compter les animaux.

Le rapport du CODERST est pour le moins surprenant. Le projet permettrait «  la prise en compte des Meilleures techniques disponibles (MTD) en matière de bien-être, d’élevage et des normes environnementales avec une organisation optimale du travail ». Les bâtiments seraient « adaptés pour maîtriser les techniques de bien-être pour les animaux ». Ça alors ! Des techniques du bien-être pour les animaux ! Késako ? Les porcs sont pourtant sur caillebotis intégral, certains sur caillebotis fil, le pire. Les truies gestantes n’ont pas d’abreuvoirs, ce qui n’est pas légal, or cela ne semble pas gêner l’inspection. Comment les surfaces minimales, pour des porcs lourds, sauraient-elles être respectées (des porcs de > 110kg ont droit à 1 m² !) ? Les truies sont bloquées une partie du temps.  Et quant à la section des queues et aux matériaux manipulables…  il y a très peu d’espoir que la loi soit respectée ! Et, le comble ! « Les activités de l’élevage ne sont pas susceptibles de constituer une source de pollution atmosphérique ». Le stockage du lisier en préfosses sous les animaux est le pire des systèmes. Les fosses ne sont pas couvertes. Le compostage ? C’est pratique : il permet de se passer d’un plan d’épandage et de faire passer à la trappe des émissions d’ammoniac.

Il reste donc à demander à la DDPP de Gironde ce que sont pour elle des « MTD de bien-être animal » ? Et en ce qui concerne la pollution de l’air (il paraît qu’il n’y en a pas), pourquoi avoir déclaré des émissions d’ammoniac de 16 800 kg en 2015, et 22 900 kg en 2014, et 18 300 kg en 2013, s’il n’y en a pas ? Ces déclarations paraissent même sous-estimées. Le projet initial à 11 626 animaux-équivalents avançait dans l’enquête publique le chiffre de 48 tonnes. Il est donc avéré que le rapport de l’inspection des installations classées a induit le CODERST en erreur ; il lui a caché un impact essentiel et significatif de l’exploitation existante, et lui a aussi caché que les MTD proposées sont insuffisantes et inadéquates, tant au niveau du concept des caillebotis qu’en matière de fosse qui n’est pas couverte, et lui a menti en ce qui concerne le bien-être animal.

Des signes de qualité et de l’origine à revoir de fond en comble !

A Saint-Symphorien un autre problème se superpose : la porcherie est accréditée pour produire du porc qui sera vendu sous IGP (Jambon de Bayonne[1], Porc du Sud-Ouest), donc selon une démarche, soi-disant, de qualité et d’origine (SIQO), qui fait que la production peut être subventionnée sur différentes lignes budgétaires. Cette dérive des SIQO est une très grosse inquiétude à soumettre à l’INAO. Le Collectif Plein Air avait déjà signalé à l’INAO, à la DGCCRF et à la DGAL, une publicité trompeuse affirmant que le jambon de Bayonne provenait de petits élevages, et dont les porcs étaient élevés dans des conditions exceptionnelles. Seule l’INAO avait réagi (c’est appréciable) et demandé la suppression de ces affirmations, et en effet, elles ont disparu.

Il nous semble néanmoins qu’il faudrait revoir les cahiers des charges de ces SIQO de fond en comble. Un SIQO provenant des pires élevages industriels ? Cela ne peut pas durer !

St Symphorien pancartes

Et s’il y avait une évaluation indépendante des procédures d’autorisation des installations classées ? Sans langue de bois ?

Quand y aura-t-il une enquête indépendante sur la manière dont les DDPP traitent les procédures d’autorisation des installations classées ? Quelles sont les formations, quelles sont les suivis, pour assurer une compétence en matière de bien-être animal et de protection de la qualité de l’air au sein des autorités compétentes ? Comment améliorer les pratiques administratives ? Comment améliorer les modes d’élevage, si les autorités compétentes encensent le pire ?

[1] fiche produit de l’INAO :

https://www.google.fr/search?q=IGP+jambon+de+Bayonne.+&ie=utf-8&oe=utf-8&client=firefox-b&gfe_rd=cr&ei=4vCEWMDyF7Hi8Afe477gDA

[1] http://lea.asso.free.fr/

[2] http://documents.installationsclassees.developpement-durable.gouv.fr/commun/B/7/8aa100b158aa71040158aa8ca44e0017.pdf