L’IGP Jambon de Bayonne a dû rectifier sa pub

Rigal cochon caillebotis2

En novembre 2014 le Collectif Plein Air a attiré l’attention de la DGCCRF, de l’INAO et de la DGAL sur quelques anomalies du côté de l’IGP Jambon de Bayonne.

Il s’agit premièrement de contradictions entre la publicité sur son site (dans la version de 2014 parlant d’élevages de « petite taille » et de « conditions d’élevage exceptionnelles ») et la réalité de la production. Une facette de cette réalité est devenue publique grâce à  l’enquête publique portant sur la régularisation et l’agrandissement d’un élevage industriel, la SAS Le Lay de Saint-Symphorien (Gironde), accréditée pour les IGP Jambon de Bayonne et Porc du Sud-Ouest.  L’extension demandée vise 11 602 animaux-équivalents, ce qui n’est pas « petit », et les conditions d’élevage relèvent du « standard » avec de mauvaises techniques selon notre Collectif.

Deuxièmement l’élevage cité ne respecte pas toutes les normes minimales pour la protection des porcs (voir les points précis discutés ci-dessous ; les informations proviennent de l’enquête publique mentionnée). Cela interroge quant aux contrôles internes et externes qui sont mis en avant par l’IGP.

Entretemps la publicité a été modifiée et les termes litigieux enlevés ; la version actuellement en ligne est ici.

Lire le courrier du Collectif Plein  Air (trois fois le même) à la DGCCRF   à l’INAO    à la DGAL

Trois réponses quant aux anomalies signalées

Le Collectif Plein Air a reçu les réponses de la DGCCRF, de l’INAO et, après attente et relance, de la DGAL.

La DGCCRF, qui pourtant est censée veiller à la sincérité des publicités, n’a rien trouvé à redire. Pour elle, les « conditions d’élevage exceptionnelles » sont liées au cahier des charges concernant l’alimentation des porcs. A l’instar de beaucoup d’IGP « le consortium du Jambon de Bayonne regroupe des structures de production modestes et des structures plus importantes (mais qui restent de taille moyenne par rapport à la grande industrie alimentaire) ». La DGCCRF rappelle les règles régissant l’IGP, dont les cahiers des charges sont enregistrés à Bruxelles. Le but est de mettre en avant l’origine, en s’appuyant sur la notoriété. La DGCCRF mentionne son propre rôle au niveau de la vérification de la loyauté de la communication, mais elle ne répond pas aux anomalies signalées.

Touchons-nous à un problème de fond ? L’information sur les conditions d’élevage semble être un domaine insuffisamment maîtrisé.

Rigal Bayonne

A la demande de l’INAO, la notion de « petite taille » a été supprimée sur le site du Jambon de Bayonne, et les  « conditions d’élevage exceptionnelles » aussi. Nous apprécions ce signe de sérieux. Le site met toujours en avant les contrôles internes et externes qui, bien sûr, existent. Mais quant à la protection des animaux, c’est la DGAL qui doit veiller à la bonne application du dispositif réglementaire en effectuant, via la DDPP (Direction Départementale de la Protection des Populations) des contrôles avec l’appui de vétérinaires sanitaires. Selon l’INAO, cela offrirait au consommateur la garantie du respect de la réglementation générale et du cahier des charges. Mais l’INAO serait-elle naïve au point qu’aucun doute ne l’effleure à ce sujet ? Autant l’opérateur de l’IGP que l’INAO semblent ne pas se sentir concernés par l’application des normes minimales de protection animale.

C’est avec un réel suspense que nous avons attendu, et relancé pour l’obtenir, la réponse de la DGAL. Sa réponse est intervenue alors que les notions d’élevages de petite taille et de conditions exceptionnelles avaient déjà été enlevées du site du jambon de Bayonne.

La réponse de la DGAL du 2 mars 2015 illustre de manière instructive la manière dont sont gérées les non conformités de protection animale.  Nous sommes conscients qu’il s’agit d’un sujet sensible et que les pressions exercées par la profession doivent être difficiles à gérer. Nous espérons que cette situation évolue et nous aimerions y contribuer, dans un esprit certes critique mais constructif.

La DGAL nous dit que l’accord d’aides européennes est légitime, étant donné la participation à un système de qualité enregistré par la Commission européenne. Certes. Mais qu’en est-il du respect des normes minimales ? Est-ce que, par exemple, l’exploitation de Saint-Symphorien, produisant sous signe officiel de qualité et d’origine, les respecte ?

La DGAL et les normes minimales de protection des porcs

Le cas de l’élevage de Saint-Symphorien a permis de soulever une série de questions intéressantes, et de fond, quant au respect ou non des normes minimales de protection des porcs. Nous remercions la DGAL pour son éclairage.

–  L’absence de fenêtres dans une porcherie est conforme, un éclairage artificiel suffit. C’est vrai. « Les services d’inspection vétérinaires ont pour instruction de conseiller aux éleveurs de prévoir une source de lumière naturelle lors de la construction de nouveaux bâtiments… »

Donc, les inspecteurs sont censés conseiller ? C’est bien ! Il y aurait encore beaucoup de conseils à donner ! Pourquoi si peu de progrès ?

porc dans soupe

–  La norme prescrit, depuis plus de 10 ans, un accès permanent à l’eau. Ce n’est pas le cas  dans l’exploitation à Saint-Symphorien, sous signe IGP Jambon de Bayonne et Porc du Sud-Ouest, ainsi que dans un grand nombre d’élevages, sous prétexte que les repas sous forme de soupe prévoient de subvenir aux besoins hydriques des animaux.  « Cette non conformité relevée par les services d’inspection vétérinaires fait l’objet de discussions entre l’administration et la profession et va conduire le Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt (MAAF) à saisir l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) sur ce dossier en mars 2015, les professionnels nous demandant un arbitrage scientifique et officiel pour justifier la mise à disposition d’abreuvoirs à des animaux qui s’abreuvent (déjà) via un autre équipement (l’auge, en période de repas). »  Or, la première directive de 1991 se satisfait d’un tel abreuvement à l’auge, mais celle révisée de 2001 exige une accès permanent à l’eau, pour de bonnes raisons de santé et de bien-être des animaux.

Cette réponse de la DGAL révèle un pouvoir exorbitant des professionnels au sein de cette administration. Lorsqu’une norme ne leur plaît pas, on temporise, et on finit par demander une expertise. On n’impose rien !

Quels matériaux manipulables obligatoires ? Une litière ou un « autre objet » ?

 –  La réponse de la DGAL au sujet des matériaux manipulables obligatoires reflète une situation comparable à l’accès obligatoire à l’eau. Ni la filière ni la DGAL ne veulent appliquer le texte de la directive, et la DGAL a finalement demandé un avis à l’ANSES, 10 ans après la transcription en 20013 de la directive 2008/120/CE  datant de 2001. Celle-ci énonce, dans l’Annexe I : « les porcs doivent avoir un accès permanent à une quantité suffisante de matériaux permettant des activités de recherche et de manipulation suffisantes, tels que la paille, le foin, le bois, la sciure de bois, le compost de champignons, la tourbe ou un mélange de ces matériaux qui ne compromette pas la santé des animaux. »  La DGAL, en 2015 encore, qualifie cette liste de « non fermée » et prétend qu’il n’y aurait « pas de matériaux conformes ou non conformes » – exactement comme si la liste de la directive disait « ou n’importe quoi ». Or la directive ne dit pas « ou n’importe quoi » ! Elle dit : « des matériaux tels que … ». Il y a des matériaux qui ne sont pas « tels que »  (p. ex. une chaîne) et qui sont donc non conformes. La première condition est de donner accès aux porcs à une quantité suffisante et à des activités suffisantes. La litière de paille le permet, c’est certain. Une chaîne – l' »objet » le plus répandu – ne le permet pas, c’est certain aussi.

L’avis de l’ANSES a été donné ; les conclusions sont évasives et proposent surtout une liste de travaux de recherche. Voir aussi notre Dossier Caillebotis intégral sous 7. page 17.

Le courrier de la DGAL poursuit : « Un groupe de travail présidé par la Commission européenne, auquel participe la France, réfléchit actuellement à la conception d’un guide à l’usage des éleveurs qui proposerait des conseils sur la meilleure manière d’enrichir l’environnement des porcs. L’idée est d’élaborer entre autre, une liste de matériaux alternatifs aux litières (des objets) satisfaisant les activités de recherche et de manipulation des animaux élevés sur caillebotis.

Un besoin de recherche appliquée pour concevoir de nouveaux matériaux a été identifié et la France soutient … »  

Tout ce qu’on ne fait pas pour soutenir le caillebotis intégral et l’absence de litière !

En retard d’une directive

Faut-il une litière ou d' »autres objets » aux porcs? La directive de 1991, qui est abrogée, prévoyait en effet d’autres objets. Mais la directive de 2001 a supprimé les autres objets, et ceci suite aux expertises de l’EFSA. Nombre d’exploitations porcines sont en retard d’une directive.

La conclusion est désolante : la DGAL semble s’être laissée embrigader par la filière porcine dans la défense du caillebotis intégral et dans l’opposition à la litière et au bien-être des porcs.

Un guide à l’usage des éleveurs (et inspecteurs) – une urgence mise en attente

Le guide à l’usage des éleveurs (et des inspecteurs) dont parle la DGAL, est fait. Il existe. Il est prêt. Mais il n’est toujours pas publié. En automne 2014, avant l’installation de la nouvelle Commission européenne, un courrier du COPA-Cogeca (comité des organisations professionnelles agricoles et comité général de la coopération agricole de l’Union européenne) serait intervenu. Seraient-ce les mêmes qui tirent les ficelles derrière la DGAL?

Nous attendons impatiemment la publication de ce guide tel qu’il a été validé. Nous ne supporterons pas qu’une organisation professionnelle se mette à jouer au « marchand du doute » pour faire avaler le déni du droit et de la science.

En attendant, l’outil de formation, élaboré sur demande de la Commission européenne, est publié en sept langues. Qu’est-ce que la DGAL en fait ?

Surfaces minimales par porc – aucune réponse !

Aucune des trois administrations n’a répondu sur la conformité des surfaces accordées par animal dans cet élevage de Saint-Symphorien. Selon la loi, 0,65 m² (!) par porc suffisent tant que le poids ne dépasse pas 110 kg. Au-delà, il faut 1 m². Or, l’IGP Porcs du Sud-Ouest affiche un poids d’abattage de 120 kg. Faisons le calcul pour un bâtiment. La case mesure 8,5m  x 2,7m donc 22,95 m² (auge et cloison comprises !). Il y a 30,6 porcs par case, donc plus souvent 31 que 30. On est loin en-dessous de 1 m² par porc.

De quelle manière les élevages échappent-ils à ces misérables surfaces minimales réglementaires, avec la bénédiction des autorités compétentes et des opérateurs de signes de qualité ?  Suffit-il de sortir en fin d’engraissement le ou les porc/s le/s plus gros de la case un peu avant les autres, pour que tous les porcs soient accrédités pour l’IGP ? Nous tâcherons de le savoir, pour qu’au moins l' »image » dans les yeux des citoyens-consommateurs soit juste.

Circulez, il n’y a rien à voir

Une inspection « conduite au cours de l’année 2014 dans l’élevage de la SAS Le Lay n’a révélé aucune non conformité ».

Comprenez bien : IGP ou non, les normes et leur interprétation sont adaptées aux réalités des élevages industriels.

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