Chair de poules à Pitgam

Le poulailler industriel de Pitgam fera encore parler de lui. Deux ans d’opposition à 107 000 pondeuses en claustration ; un Coderst très partagé ; un Préfet qui autorise ; un Sous-Préfet fidèle à la doctrine ; et DDPP et DGPR ne répondent pas…

Une belle victoire pour l’été 2019, mais de courte durée

Au moins les poules n’étaient pas encore là pour subir la canicule, qui a frôlé les 38° : sans brumisateur, sans parcours extérieur, sans arbres.

En effet, le dossier a encaissé quelque retard.

Après une première enquête publique, malgré un Coderst très partagé (7 contre et 8 pour), et après un rendez-vous avec le secrétaire adjoint et les ICPE de la préfecture de Lille, le préfet avait signé son autorisation. En été 2018 il avait été décidé avec l’Adelfa (Association de Défense de l’Environnement de la Flandres et du Littoral) et des voisins d’attaquer au Tribunal Administratif le permis de construire et l’autorisation.

Devant toutes les irrégularités, et la fraude au permis de construire (concernant la distance aux installations de GRTgaz), une deuxième enquête publique a eu lieu. Le commissaire enquêteur a conclu favorable.

Maintenant les grues, pelleteuses et bétonneuses s’activent sur le terrain, avec des difficultés dues à la présence d’eau (à pomper). Le terrain est humide…

« Non aux poulaillers industriels, ni ici ni ailleurs ! »

Pitgam recense dans un rayon de 10 km 25 exploitations industrielles et un million de gallinacés !  De quoi donner la chair de poule.

De nombreuses associations ont rejoint les opposants, très mobilisés. Merci aux associations : Adelfa, Aives, Novissen, les Amis de la terre, le Collectif Plein Air, Attac Flandres, La Confédération Paysanne, France Nature Environnement, EELV Flandres, Groupe environnement santé, Houtland Nature, les hirondelles du Faubourg…   et 58000 personnes ont signé la pétition.

Pitgam invitation marche 8juin2019

Le 8 juin 2019, a été organisé une première marche pour dénoncer ce projet inutile, dangereux, dépassé etc… Il y a eu de très belles prises de parole, et l’évènement a fait grand bruit au niveau de la presse[1] et des télés régionales et nationales. Mais le préfet vient de passer une nouvelle fois en force, sans même réunir le Coderst, et a accordé l’élevage. Il est à peu près sûr que compte tenu du battage qui avait été fait et des anomalies du dossier, un vote au Coderst aurait pu changer l’orientation, ou du moins on l’espère.

[1] https://reporterre.net/Manifestation-des-opposants-au-projet-de-poulailler-industriel-de-Pitgam

Le Sous-Préfet re-regarde, mais ne lâche pas la doctrine

En été 2019, les opposants ont été reçu par le sous-préfet qui a promis de re-regarder le poulailler, mais en même temps il expliquait que, étant très libéral, il était pour que les trois modèles existent : l’industriel, le plein air et le bio. Ses seuls arguments sont la balance commerciale et le prix. Et après avoir re-regardé, il estime que tout est « dans les normes ».

Pitgam marche devant SousPréf

Non-conformité et non-réponse

Quant au Collectif Plein Air, il avait interpellé la DDPP du Nord en date du 12 juin 2019 au sujet d’une non-conformité délibérée du projet. En effet le dossier affirme et confirme qu’il n’y aurait pas de litière. Or, celle-ci est obligatoire (120 cm² par poule). Zéro réponse. Entretemps, diverses non-conformités dont celle-ci ont été signalées à la Commission européenne, qui a adressé un courrier à la France. La distorsion de concurrence que pratiquent des exploitations qui trichent et qui fraudent au détriment de celles qui respectent les normes et/ou qui font des efforts pour le bien-être des poules, est intolérable.

Voir l’article précédent.

Pas de réponse non plus de la part de la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR) du Ministère de la transition écologique. La question posée était celle-ci : quelle est la distance règlementaire entre la plus grande installation française de compression et d’odorisation de gaz, et un poulailler industriel ? Une question qui semble embarrassante.

La France plus laxiste que la Belgique ?

En Belgique de tels poulaillers ne seraient plus acceptés ; d’une part, la Belgique fait payer des taxes sur la pollution, et de l’autre l’influence de l’association Gaïa est importante. Le fait est qu’il y a dans le Nord des implantations massives en œufs, poulets, choux de Bruxelles et autres produits à frites et pesticides, pour des entreprises belges. Au grand dam des jeunes qui voudraient s’installer, selon la Confédération paysanne.

Le problème est sérieux. C’est pourquoi la députée Jennifer De Temmerman a soumis, le 10 décembre 2019, une question à M. le ministre de l’agriculture. Elle demande « … quelles mesures concrètes pourraient être mises en œuvre pour contrôler, sanctionner et dissuader les pratiques de sous-locations et la concurrence déloyale en matière d’élevage et d’agriculture à la frontière franco-belge » (Question N°25030 au Ministère de l’agriculture). Merci à Madame De Temmerman.

Aveuglement coupable, vote lamentable

En attendant, le cours des œufs de catégorie « 2 » (élevés au sol en claustration, ni cages ni plein air) n’est guère brillant. Si la promesse du Président Macron de mettre fin aux cages à poules aboutit à des poulaillers du genre de celui de Pitgam, ce n’est pas glorieux. Quelle hypocrisie !  Et dans quelques années, lorsque les consommateurs auront intégré qu’il faut exiger des œufs de plein air y compris dans les ovoproduits utilisés dans les produits transformés, ces industriels vont pleurnicher que leurs investissements dans des alternatives pitoyables aux cages ne sont pas amorties et qu’il leur faudrait des aides publiques et une protection juridique (p.ex. fermer les yeux sur des tricheries…) pour pouvoir continuer à vendre les produits de cet abrutissement. C’est prévisible.

Nos députés ont commis un vote lamentable[1] : ils ont refusé l’étiquetage du mode d’élevage des poules pondeuses pour les ovoproduits (à titre expérimental). Merci à ceux qui ont essayé de l’obtenir ; ils ont une vision plus éclairée de l’avenir que leurs collègues. Mais le discours stéréotypé simpliste des filières  continue à faire des dégâts. Chers députés, diversifiez vos sources d’information, approfondissez.

Article rédigé par Anne Vonesch, informations par Dominique Delpouve

[1] https://www.politique-animaux.fr/elevage/amendements-63-et-64-visant-experimenter-ou-instaurer-un-etiquetage-des-conditions-d-elevage