Elevages intensifs et zones d’épandage de lisiers peuvent contaminer les populations riveraines avec des bactéries devenues résistantes aux antibiotiques. Ce risque est très élevé pour les éleveurs. Mais même de simples promeneurs côtoyant une zone en cours d’épandage peuvent être contaminés ! Être contaminé ne veut pas forcément dire être malade. On peut être porteur de germes multi-résistants et développer une infection gravissime bien après la contamination, par exemple lorsqu’une autre pathologie affaiblit notre organisme. On peut aussi ne jamais développer de maladie mais diffuser ces germes pathogènes à son entourage ou … à d’autres patients si on est soi-même hospitalisé.
Des décès : liés aux élevages ?
Les résistances aux antibiotiques sont responsables de 25 000 décès par an en Europe. Aux Etats-Unis, elles ont été responsables de 19 000 décès en 2005 (plus que le SIDA). Si les élevages intensifs ne sont pas les seuls responsables de ce désastre sanitaire, force est de constater que la grande majorité des études incrimine ces élevages dans la genèse et le développement des résistances en particulier pour ce qui concerne les SARM (Staphylococcus Aureus Résistant à la Méthicilline, MRSA dans la littérature anglo-saxonne), les Entérobactéries et autres Escherichia Coli.
A titre d’exemple, en Belgique, une étude commandée en 2007 par le ministre de la Santé publique de l’époque (M. Rudy Demotte) indique que les deux tiers des porcheries sont contaminées par une souche de SARM, pire, ce germe est retrouvé chez 37.6 % des éleveurs et de leur entourage contre 0.4 % dans le reste de la population !!! Des résultats similaires ont été retrouvés au Canada et aux Pays-Bas. En Allemagne, un éleveur de porcs hospitalisé est mis d’emblée à l’isolement quelle que soit sa pathologie ! En France, c’est un peu comme le nuage de Tchernobyl … !!!
Pourquoi des antibiorésistances ?
L’apparition des antibiorésistances est liée, d’une part, aux conditions de vie des animaux dans les élevages intensifs de type hors-sol. Cela s’explique par le nombre imposant d’animaux dans ce type d’élevage : plus il y a d’animaux, plus les risques sont grands. Cela s’explique aussi par la promiscuité dans laquelle ils vivent : 0.65 à 0.75 m² pour un porc charcutier de 110 kg. Cela s’explique enfin par la baisse des défenses immunitaires qui apparaît, tout comme chez l’homme, chez des animaux soumis à un stress permanent.
L’apparition des antibiorésistances est, d’autre part, due à l’utilisation importante d’antibiotiques. Même si ceux-ci ne sont plus, en théorie, utilisées de façon systématique comme facteur de croissance, ils restent d’utilisation massive en cas d’apparition de pathologies infectieuses, l’éleveur ne pouvant pas prendre le risque d’une contamination dans son élevage. Il existe bien des places d’isolement dans des « infirmeries », mais comment repérer rapidement un animal malade parmi plusieurs milliers de congénères !
Les épandages : un risque !
Pour en revenir à nos épandages, une étude particulièrement inquiétante a été publiée le 16 septembre 2013 dans la revue médicale « JAMA Internal Medecine ». Elle a été menée en Pennsylvanie par des chercheurs de Baltimore. Le risque d’infection (déclarée) par un SARM est augmenté de 38 % chez les personnes vivant à proximité de champs où du lisier de porc a été épandu. « Nos résultats suggèrent qu’approximativement 11 % des infections par SARM et des cas d’infection de la peau ou des tissus mous dans la population étudiée seraient attribuables à l’épandage de lisier de porcs dans les champs ». Même tendance, mais moins marquée, pour les personnes vivant à proximité des porcheries.
On peut rétorquer bien sûr que cette étude a été effectuée aux Etats-Unis où les conditions d’élevage et d’épandage sont différentes de chez nous mais il n’empêche que le risque est bien réel et que tant que des études sérieuses n’ont pas été menées, les épandages de lisiers devraient être interdits à proximité des habitations et des lieux de passage en vertu du principe de précaution. (Au minimum, à proximité des écoles, crèches, maisons de retraite et hôpitaux ainsi qu’auprès des habitations des patients subissant des traitements immunosuppresseurs).
Tous encerclés !
Pour illustrer ce propos, concernant le projet de porcherie industrielle d’Heuringhem, des îlots d’épandage encerclent une école dans le village de Quiestède.
Un îlot d’épandage de grande superficie se situe à quelques mètres d’une habitation où un patient est traité par anti-TNF, médication qui diminue les défenses immunitaires de l’organisme.
Est-ce bien raisonnable !
L’Assemblée aurait du et le Sénat devrait adopter un amendement à la Loi d’Avenir concernant les épandages des pesticides qui devraient être interdits à proximité des écoles et des habitations tout court. La distance minimale de 200 m a été proposée, ensuite 50m. La FNSEA a mobilisé contre toute restriction des pesticides. Le projet de loi en est réduit à suggérer quelques précautions d’ordre technique à l’épandage.
En fait, la protection des populations devrait inclure l’interdiction les épandages de lisier avec une distance de 200 mètres minimum des lieux habités et fréquentés . A moins de changer les systèmes d’élevage de manière à ne plus épandre des antibiotiques et des antibiorésistances…
Article rédigé par AIVES
Liens vers des articles et études qui ont servis de base pour ce texte.
http://www.armeda.fr/index.php?option=com_docman&task=doc_view&gid=77&Itemid=56
http://www.efsa.europa.eu/fr/press/news/zoonoses091124.htm
http://www.aives.fr/wp-content/uploads/2012/06/Staphylococcus-aureus-r%C3%A9sistant-%C3%A0-la-m%C3%A9ticilline.pdf (Publication de l’efsa traduite en français)
http://www.extension.org/sites/default/files/MRSA%20in%20crop%20fields.pdf
http://vandieropmens.nl/uploads/1379769096000MRSA_us_2013.pdf
Liens plus « grand public » !
http://www.arte.tv/guide/fr/047519-000/germes-tueurs
Liens plus … polémiques.
http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?page=imprimer&id_article=26108
http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?page=imprimer&id_article=13159
http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?page=imprimer&id_article=12309