Des vétérinaires et le supplice du porc

scientifique

La profession vétérinaire a une face sombre. L’autre face s’éclaircit. Rêvons un peu. Les vétérinaires pourraient se muer en force de progrès pour une réorientation en profondeur des pratiques d’élevage: produire moins mais mieux. Car la lorgnette sanitaire est tachée.

Il existe des « prix » que, eu égard à ce qu’ils évoquent, il vaudrait mieux refuser. Toute âme sensible pourrait se demander si le « Prix Jules Tournut » n’en fait pas partie. Il vient de récompenser, une fois de plus, deux jeunes vétérinaires pour leur thèse.

Des crimes contre l’humanité ont été reconnus pour qu’ils ne se répètent plus. Il est temps de reconnaître également les horreurs faites à d’autres animaux.

L’AFMVP (Association Française de Médecine Vétérinaire Porcine), fut créée par Jules Tournut, lequel, avec ses collègues, démontra l’utilité des antibiotiques en élevage porcin. Des « travaux » sur le porc de Jules Tournut et d’autres vétérinaires furent publiés en 1969 et reproduits par Porc Magazine (n° 309, en mars 1998), dans le cadre d’une rétrospective. Ces vétérinaires s’étaient « […] attachés à reproduire en laboratoire des troubles comparables à ceux observés dans des conditions habituelles d’élevage et de transport. A) Dans une première expérience, ils observent les troubles provoqués par la contrainte, sur des porcs suspendus dans des corsets. Ils notent : 1) une perte de poids importante ; 2) des congestions localisées aux intestins, à l’estomac et au pancréas […]. B) Dans une deuxième expérience, ils recherchent l’effet des tranquillisants sur les porcs soumis à la contrainte […]. C) Dans une troisième expérience, les auteures recherchent les modifications de la flore intestinale provoquées par les agressions physiques, notamment la contrainte ».

Il y a un terme approprié pour résumer ces « travaux » : torture. La question de la déontologie se pose. À une époque, Amnesty International faisait campagne afin d’exposer clairement que la déontologie médicale (humaine) ne peut tolérer qu’un médecin assiste à des séances de torture. L’expérimentation animale est certes un chapitre sombre et douloureux. Ici, il s’agit de production banale. L’AFMVP a semblé rester un soutien fidèle de l’élevage concentrationnaire, en y œuvrant pour la survie (à fin économique) et le statut sanitaire des animaux poussés à bout. Il est bon de se rappeler les racines de ce type d’élevage si « performant ».

Il se trouve qu’Arlette Laval, professeure émérite de l’École vétérinaire ONIRIS, experte en santé animale à l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire), et experte près de la Cour d’appel de Rennes, a volé au secours de l’élevage concentrationnaire dans le cadre d’une enquête publique (à Zutzendorf, en Alsace), pour prendre la défense du caillebotis intégral, argumentant que sans un caillebotis intégral par lequel tombent les excréments des porcs, ceux-ci mangeraient leurs excréments. Ce qui en dit long sur la détresse des porcs et sur le fossé pernicieux entre science des agents pathogènes et science du bien-être animal (dans sa globalité).

Qu’en sera-t-il demain, chez les vétérinaires porcins ?

L’ordre National des Vétérinaires a organisé, le 24 novembre 2015, son colloque sur le thème « Vétérinaire, le professionnel garant du bien-être animal ». C’était un grand jour, par la qualité, l’ouverture, et la franchise, des débats. Loin de nous de méconnaître le dévouement d’un grand nombre de vétérinaires, leur amour pour les animaux et leur propre souffrance, notamment lorsqu’ils voient, impuissants, le triste sort de tant d’animaux à cause des égoïsmes de leurs propriétaires. Mais, mais, mais… pour être sûrs de ne pas nous tromper de ton, citons les paroles d’une invitée à ce colloque historique, la députée Geneviève Gaillard, vétérinaire, qui a créé et qui préside le Groupe d’études « Protection des animaux » à l’Assemblée nationale. Elle dit : « Je voudrais tout d’abord remercier l’Ordre et avant tout affirmer qu’il est appréciable de constater l’évolution que connaît l’Ordre depuis peu. Je désirerais néanmoins savoir comment l’Ordre va appréhender tout ceci. » Quoi donc ? répondons à sa place : les privations de toutes sortes, les brutalités, les douleurs non traitées, les cages et autres entassements en claustration, tous ces caillebotis sans litière incompatibles avec les besoins élémentaires des animaux, les étourdissements ratés à l’abattage, et tant de millions d’animaux poussés à bout, au nom de la performance… « Va-t-il [L’Ordre des vétérinaires]», poursuivait Geneviève Gaillard, « suite à des réflexions, donner matière à des actions ou va-t-il se contenter de réfléchir, ce qui est déjà une très bonne chose ? »

Pour animer la réflexion, en vue des actions, le Collectif Plein Air va envoyer le CODE de bonne conduite pour l’élevage de porcs à l’Ordre des vétérinaires et à l’AFMVP.