Pollution dans le Doubs : du lisier directement dans un cours d’eau !!! L’agriculteur en cause plaide « l’accident ».
Le Département du Doubs porte plainte 24.000 litres de lisier déversés près de la source du Dessoubre
Surpris en pleine illégalité. Photo DR
Besançon. À ce niveau, on ne peut plus vraiment parler d’épandage… Mais de déversement totalement illégal de près de 25.000 l de lisier. Notre photo, prise par un garde de l’association de pêche de Saint-Hippolyte, à Cour-Saint-Maurice, ce mercredi à 17 h 15, témoigne de pratiques qui ont malheureusement la vie dure.
Au moment où les esprits sont exacerbés par la découverte de centaine de poissons touchés par la saprolégniose dans le Dessoubre (on est là directement au-dessus de la source), ce type de comportement est carrément suicidaire pour l’image même de la profession agricole, plus souvent qu’à son tour montrée du doigt lorsqu’il s’agit de désigner les responsables du niveau de pollution inquiétant atteint par les rivières de Franche-Comté.
L’éleveur « très coopératif »
Gérard Mougin, président de l’AAPPMA « Les deux vallées », qui nous a transmis ce document, le dit lui-même : « Les agriculteurs qui ne partagent pas la vue d’une telle conn…. doivent protester fermement, car elle salit leur réputation pour longtemps. Il faut qu’ils arrêtent de se dire tous vertueux et qu’ils prennent le problème à bras-le-corps eux aussi. »
Injoignables mercredi soir, au moment où le garde à surpris le pollueur, les services de la police de l’eau se seraient depuis rendus sur place pour enquêter, après que Gérard Mougin a adressé une missive bien sentie au préfet du Doubs.
Dans ce courrier, M. Mougin rappelle l’action « SOS Dessoubre », menée en 1989 et qui avait recueilli plus de 13.000 signatures, le poids économique de la pêche dans le Doubs et prévient de « l’immense gâchis qui pourra être constaté avec tous les fleurons de la pêche de notre département au tapis ». Dénonçant la « politique de l’autruche » menée pendant des années, il demande qu’aujourd’hui soit refusée « toute autorisation pour la création ou l’extension de nouvelles porcheries », que l’on mandate du personnel pour qu’il « surveille, recense et verbalise réellement les actes délictueux en matière d’environnement », que l’on fasse respecter les plans d’épandage, que l’on prenne des mesures « concernant l’usage des herbicides et des pesticides », enfin, que l’État soit plus directif et au côté des communes en ce qui concerne l’assainissement.
Hier après-midi, Claude Jeannerot a annoncé qu’il déposait plainte et que si l’auteur de ce déversement, « d’une particulière gravité », était identifié, il se « constituerait partie civile au nom des habitants du Doubs. En ma qualité de président du Département, je ne saurais tolérer ce type d’agissements qui jette un discrédit sur l’ensemble de la profession agricole et remet en cause l’action de la collectivité départementale en faveur de la qualité des eaux sur notre territoire. »
On peut dire que les services de l’État ont réagi de manière très rapide sur ce dossier. Hier, l’éleveur de bovins a été identifié et il a reçu la visite de la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCSPP) de la gendarmerie et de l’Onema (la police de l’eau) pour un contrôle. « Il a été très coopératif » note Pierre Aubert, directeur adjoint de la DDCSPP.
« Dans l’urgence »
L’agriculteur aurait expliqué qu’il s’agissait d’un « accident ». Après avoir lavé la cour de sa ferme à grande eau, il a remarqué qu’une de ses cuves à lisier allait déborder et l’a vidangée. « Il a agi dans l’urgence. Alors qu’il disposait d’un plan d’épandage validé pour ce terrain. Le problème, c’est qu’il a plus déversé qu’épandu. En tout, trois fois huit mètres cubes (soit 24.000 l). Nous sommes en cours de rédaction du procès-verbal qui sera transmis au procureur de la République et on doit encore évaluer les conséquences environnementales. »
Au-delà des faits, Pierre Aubert tient à préciser que cet acte malvenu « ne doit pas mettre en cause les actions engagées par la chambre d’agriculture du Doubs pour tirer les éleveurs vers le haut de pratiques responsables. Ce sont des faits rares qui ne reflètent pas l’ensemble des agriculteurs du département. »
Fred JIMENEZ