Barrais-Bussolles : COPIBB adhère au Collectif Plein Air qui interpelle l’INAO

Une porcherie non autorisée dans le passé, est relancée. Le Label rouge « Délice » y cache un porc industriel banalement élevé sur caillebotis intégral (comme certaines IGP). Que fait l’INAO, supposée veiller sur les signes dits de qualité et d’origine (SIQO) ?

Lire le Communiqué de presse du Collectif des Opposants à la Porcherie Industrielle de Barrais-Bussolles

Un lieu emblématique de résistance contre l’élevage industriel

Dans les années 90, Barrais-Bussolles avait été un haut-lieu de l’opposition  (victorieuse) contre l’élevage industriel. L’annulation du permis de construire et de l’autorisation d’exploiter une porcherie de 1997 avait été confirmée en Conseil d’Etat en 1999. Sous la présidence de Marinette Roques, la Coordination contre les Elevages industriels avait fait de l’excellent travail. En 2000, Allier Nature avait aussi réussi à faire obstacle à un élevage avicole de 186 000 volailles et à l’extension d’une porcherie.

Qui peut, aujourd’hui, encore faire part d’autant de succès ? Sous les gouvernements successifs, la législation a été adaptée pour faciliter le développement des filières industrielles. La République porcine est installée. Les conséquences, qui, à première vue, peuvent paraître favorables aux filières,  sont en réalité délétères, pour les animaux et pour l’environnement. Aussi, l’image des filières est profondément dégradée. Il ne passe pas une journée sans appel à consommer moins de viandes et de charcuteries, que ce soit au nom de l’environnement ou au nom de la santé humaine. La langue de bois écœurante des pouvoirs publics face aux attentes sociétales se solde par une opposition aux élevages industriels toujours plus nombreuse, déterminée, claire et cohérente.

La pétition contre le projet resurgi a recueilli  près de 88 000 signatures !

La procédure de l’enregistrement, un déni des impacts

A Barrais-Bussolles il  s’agit aujourd’hui de créer 4340 places en post-sevrage et 1944 places à l’engraissement. Pourquoi ce nombre ? Parce que, au-delà de 2 000 porcs à l’engraissement, il faudrait une enquête publique avec commissaire enquêteur, c’est-à-dire une procédure d’autorisation. En-dessous de 2000 porcs charcutiers ou 750 truies, c’est la procédure allégée de l’enregistrement. Curieusement, les milliers de porcelets en post-sevrage comptent pour du beurre en termes d’effluents ! C’est le cas en France, pas en Allemagne : en effet, la directive IED qui fixe les seuils à 2000 porcs ou 750 truies peut s’interpréter de manière plus ou moins laxiste !  Or en France, dans la procédure d’enregistrement, la pollution de l’air est ignorée, dans le déni total de son impact sur la santé publique, alors que les émissions d’ammoniac contribuent à la formation des particules fines (avec le trafic, les chauffages…).

Produire pour produire

La logique du projet de Barrais-Bussolles est purement industrielle. Elle consiste à produire des porcs pour l’abattoir de Lapalisse qui se trouve à 10 km. Celui-ci a une capacité de 12 500 porcs par semaine.  Un centre frigorifique est prévu pour accueillir 20 camions par jour. Des palettes de viande congelée de 1 à 2 m de hauteur seront stockées sur cinq rangées de hauteur[1].

La coopérative CIRHYO aurait conclu un accord avec LIDL pour une « rémunération plus juste » des éleveurs porcins[2]. Il se trouve que la jolie photo dans l’article qui en fait état, représente des porcs ayant accès au plein air, ce qui n’est pas courant, et ce ne sera pas le cas à Barrais-Bussolles. Pourtant leurs queues sont sectionnées, donc non conformes aux normes minimales. Est-ce que le prix « plus juste » payé par LIDL ne permettrait pas de respecter les normes ? Est-ce un souci ?

Label rouge « Délice », un signe dit de qualité sans ambition

A Barrais-Bussolles la production des porcs (sur caillebotis sans litière) est proclamée être sous SIQO, c’est-à-dire Signe Officiel de Qualité et de l’Origine.  Label rouge signifie que la qualité gustative est supérieure. Les carcasses sont triées et soignées. Mais en porcs (contrairement au poulet) le label rouge n’apporte rien au niveau de l’environnement ou du bien-être animal, si ce n’est une surface disponible par porc de 20 % supérieure au minimum légal, c’est-à-dire avec un poids vif de 100 kg chaque porc (encore) présent aura droit à 1 m² (au lieu de 0,65 m²), et au-delà de 110 kg à 1,20 m² (au lieu de 1 m²). Franchement pas mirobolant…  et cela ne bouscule en rien le système industriel standard.

Les SIQO  sont gérés par l’INAO (Institut National des Appellations et Origines).  Depuis des années il est question que l’INAO travaille à intégrer des aspects environnementaux et de bien-être animal dans les démarches. Cela semble toujours être au stade de réflexion. Serait-ce vrai ou faux que la filière porcine bloque de tout son poids ?

Quoi qu’il en soit, les porcheries en cours de planification, ou de construction récente, dont celles prévues sous SIQO  (par exemple à Escoubès pour la filière IGP Jambon de Bayonne), démontrent qu’ aucun signe de réorientation de la production n’est en vue, et aucune prise de conscience des vrais problèmes. La filière porcine, dans son plan de la filière[3], appelle de ses vœux une nouvelle segmentation de la production. Or, rien ne change. Les vieux cynismes zootechniques et des habitudes incrustées, sourdes et insensibles, déterminent les investissements et les projets, même les plus récents.  C’est de mauvais augure.

Le Collectif Plein Air interpelle l’INAO

Le 8 décembre 2018 le Collectif Plein Air écrit à l’INAO pour lui rappeler les non-conformités fréquentes quant aux normes minimales relatives à la protection des porcs et la pédagogie déployée par la Commission européenne, et demande à l’INAO quelles sont les dispositions environnementales et de bien-être animal que l’INAO vise à intégrer dans les conditions de production des SIQO ?

Le courrier est bien arrivé à la direction de l’INAO.

Fin janvier, le Collectif Plein Air attend avec de plus en plus d’impatience les réponses à ses questions !

Et la transition écologique ?

Plus de deux millions de personnes ont signé la pétition « l’affaire du siècle », pour attaquer l’Etat en raison de sa défaillance en matière de changement climatique. La défaillance concerne aussi les élevages industriels. Le fossé s’agrandit entre ceux qui sont convaincus de l’urgence climatique (qu’il s’agisse de forêts tropicales ou du gâchis dans nos assiettes et caddies) et ceux (jusqu’aux plus hautes sphères du gouvernement et de l’Europe) qui ne font que poursuivre business as usual  et ne raisonnent qu’en termes de balance commerciale, pour trimballer l’inutile à travers le monde : soja, maïs, viandes…  dont les carcasses, jambons, charcuteries  etc.  des malheureux porcs entassés durant toute leur courte vie à subir la claustration sur des surfaces exiguës en caillebotis intégral.

Anne Vonesch, Alsace Nature

[1] https://www.lamontagne.fr/lapalisse/economie/agroalimentaire/2018/12/04/un-congelateur-geant-se-construit-a-lapalisse-allier_13071888.html

[2] https://www.lamontagne.fr/gueret/economie/agroalimentaire/2018/04/10/la-cooperative-cirhyo-basee-a-montlucon-saccorde-avec-lidl-pour-une-remuneration-plus-juste-des-eleveurs-porcins_12807707.html

[3] https://agriculture.gouv.fr/egalim-les-plans-de-filieres